Connaissance du Patrimoine Culturel Local
Le Petit Journal
de Sainte-Ménehould
et ses voisins d'Argonne
Edition régulière d'un bulletin traitant de l'histoire, des coutumes et de l'actualité.


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Le retour des reliques de sainte Ménehould

   par John Jussy



La cité eut enfin des reliques de la Sainte en cette fin du XVIe siècle et on dit que c’est Jehan de Saulx qui alla les chercher ; mais l’histoire est bien différente.


Le corps de Ménehould était dans l’église de Bienville, village où elle s’était retirée avant de mourir un 14 octobre de l’an 499 ou 500, puis avait été transférée dans une autre église (près de Joinville) d’une congrégation de religieux de saint Benoît.
La cité argonnaise avait un peu oublié la sainte qui un jour lui donna son nom mais resta privée de toute portion des reliques jusque vers la fin du XIVe siècle. C’est Jehan de Saulx, chevalier, sire de Vernon et de Bussy-le-Châtel, qui allait faire venir des reliques dans la cité.

En regardant le vitrail on dit : « Jehan de Saulx ramène les reliques de sainte Ménehould » avec en sous-entendu qu’il était mandaté par la cité. L’histoire est différente. Jehan de Saulx était le fils de Collard de Saulx, chevalier, garde des sceaux de la prévôté royale de Sainte-Ménehould et de Agnès, dame de Cernon, Epense, Bussy-le-Château et Bouconville.
Jehan a donc sollicité les moines pour obtenir des reliques. Le manuel de la confrérie de sainte Ménehould (1893) raconte :
« Pour la plus grande et singulière affection et dévotion qu’il a eue toujours à la bieneurée vierge amie de Dieu sainte Ménehould, il a humblement sollicité de l’abbé et couvent de Saint Urbain qu’ils voulussent départir et donner quelque membre ou portion du corps de cette vierge, telle qu’il en peust faire un reliquaire honeste à l’honnour et révérence d’icelle. »

Les religieux ont alors répondu favorablement à la pieuse requête du chevalier et lui ont donné et baillé « grand part et noble portion, c’est à savoir le principal os du bras et coste entière ». C’était le dimanche 13 février de l’an 1378. C’est donc à Jehan de Saulx en personne que ces reliques ont été remises, mais le chevalier avait une idée.

Brouillon dans son livre dit :
« Jehan de Saulx, né à Sainte-Ménehould, héritier de la piété comme des grands biens de ses ancêtres, voyait avec peine que l’église paroissiale ne possédait pas la moindre relique de Ménehould, tandis que la ville portait le nom de cette vierge. Au lieu de fonder une chapelle à l’exemple de ses aïeux, il résolut de faire à la ville un présent non moins digne de lui que cher à ses habitants. »
On peut alors s’étonner que les moines aient remis les reliques à une personne, même si c’est un chevalier. Jehan de Saulx fit recouvrir les reliques d’une feuille d’argent et les porta à Paris où l’archevêque de Reims les fit, après les avoir bénies, enchâsser. C’était le 19 juillet 1379.

Puis le seigneur consentit à se dessaisir de ce précieux trésor, tout en en donnant les raisons :
1- Parce qu’il n’y avait jamais eu aucune portion ou parcelles des reliques dans la ville.
2- En mémoire de feu son père et de sa mère qui avaient fondé une chapelle dans l’église du Château en 1352.
3- En témoignage de l’amour qu’il a toujours eu, lui et son épouse, pour les dits chastel et ville et les habitants d’y ceulx ; et leur désir de voir la glorieuse vierge sainte Ménehould dore en avant plus grandement, plus hautement, plus revérament et plus dévotement honorée et réclamée en la dite esglise du lieu portant son nom.
4- Enfin dans l’espoir que les habitants dudit lieu présents et advenir, et les visiteurs ycelle esglise seront, par moyen de charité, mûs à prier pour eux, leurs enfants, leurs frères et sœurs, ascendans et descendans.

La transition des reliques se fit en grande pompe en l’an de grâce 1379, le 14ème jour du mois d’octobre, jour qui avait été choisi comme étant celui du décès de la sainte. L’église paroissiale était comble ; il y avait Gui, abbé de Saint-Urbain qui avait donné les reliques, Jehan, vicaire-général du diocèse, Jehan de Langres, de l’évêché, et bon nombre de personnes considérables Nicolas Fauvel, curé titulaire, Colin la Bossette et Périns de Daucourt, marguilliers de la paroisse, et quatre échevins de la ville qui reçurent les reliques et firent serment de célébrer chaque 14 octobre, avec solennité, la fête de la sainte.
Le reliquaire était un reliquaire parlant, en l’occurrence un bras placé verticalement. Mais celui-ci ne survivra pas à la révolution française.

Entre donateur et donataires, il y eut contrat synallagmatique !... nous dit le manuel de la confrérie ; un contrat synallagmatique, c’est un contrat où il y a une obligation réciproque des deux parties, donc, dans ce cas-là, la remise des reliques d’une part et les prières à la messe d’autre part.
Les échevins, les représentants de la paroisse et du clergé promirent, comme l’avait demandé Jehan de Saulx, de recommander aux prières des bonnes gens chaque dimanche à la grand’messe lui, Jehanne son épouse, ses enfants, ses frères et sœurs, ses ancêtres et ses successeurs.
Le livret de la confrérie stipule :«  En témoing desquelles nous avons mis notre scel à ces dictes présentes lettres faictes et données audit lieu, à Sainte-Ménehould le 15ème jour dou mois d’octobre, l’an devant dict mil CCC. Soixante-dix-neuf. »
Cette demande du chevalier, des prières chaque dimanche pour sa famille, semble contraire à une vraie dévotion, mais n’était-ce pas une coutume à cette époque ?
Oui mais voilà, cela fut vite oublié, et le livret de la confrérie dira (en 1893) : Pourquoi ces promesses ne sont-elles pas tenues aujourd’hui et les recommandises de la famille de Jehan de Saulx ne se font-elles plus au prône de la messe paroissiale ?
C’est certainement la tourmente de la révolution qui a fait tomber la promesse dans l’oubli, écrivaient les auteurs du livret, mais comme cette révolution n’arrivera que dans 400 ans, on peut supposer plus sérieusement que le temps qui passe a fait oublier Jehan de Saulx.
Mais alors, suivant la promesse des échevins, nous devrions encore aujourd’hui recommander aux prières des paroissiens Jehan de Saulx et ses descendants.

John Jussy

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