Connaissance du Patrimoine Culturel Local
Le Petit Journal
de Sainte-Ménehould
et ses voisins d'Argonne
Edition régulière d'un bulletin traitant de l'histoire, des coutumes et de l'actualité.


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LA PAGE DU SOURIRE

CATHERIN, CATHERINE

   par François Mouton, Luc Delemotte (dessin)



---------Pour qui s’intéresse un tant soit peu à la petite ou à la grande histoire de notre région, la bibliothèque de Menou dispose d’une importante quantité de documents présentant souvent beaucoup d’intérêt. Comme, d’autre part, l’ami Luc DELEMOTTE, qui règne en souverain débonnaire sur les lieux, est toujours prêt, avec son amabilité coutumière, à vous faire profiter des trésors sur lesquels il veille attentivement, vous avez la possibilité de passer un bon moment, à condition de chercher un peu. A titre d’exemple, voici un article trouvé dans le registre 1850 de « La Revue de la Marne » (n°981 du 14 juin 1850 “ Texte intégral)

---------« L’audience de mercredi dernier du tribunal de Saint-Mihel (Meuse) a donné le spectacle d’une fille, du moins qui en porte les habits depuis vingt-six ans, qui lui demandait avec insistance de porter culottes, en un mot, d’être garçon véritable.
---------Le 15 avril 1824, l’épouse du Sieur M lui donnait un héritier à sept heures du soir. La sage-femme veut en reconnaître le sexe, mais malgré sa science et ses lunettes, elle n’a que des doutes à ce sujet. Cependant, il faut se décider : en femme sage, elle conseille aux père et mère de prendre le moins, c’est-à-dire de faire une fille de ce pauvre innocent, qui fut inscrit le lendemain à l’état civil, avec le prénom de Catherine. L’enfant fut donc élevé comme étant de sexe féminin, mais il faut dire qu’avec les années, Mle Catherine M , tout en portant les jupons et le reste, avait pris trop de manières de l’autre sexe, pour ne pas faire naître des soupçons à son sujet. Ses compagnes s’éloignaient d’elle dans la crainte d’une familiarité blâmable ; les garçons en faisaient autant, ne voulant pas, disaient les uns, avoir pour femme un de ces viragos qui ne veulent pas être maîtresses, mais bien maîtres au logis.
---------Enfin, les idées des uns et des autres étaient telles, qu’à l’aide d’un « e » en moins dans son prénom, ils ont garçonné la fille en l’appelant Catherin. Notre personnage avait supporté jusqu’à présent tous les quolibets dont son rôle équivoque était l’objet ; mais enfin il a désiré sortir de cette position et se sentant tout le courage d’un homme, il a voulu en avoir également le titre. De là sa requête en rectification de son acte de naissance, présentée par le ministère de Me Louis, son avoué.
---------Le tribunal, voulant éclairer sa religion, a cru devoir consulter la science anatomico-physiologiste et trois docteurs en médecine, après avoir examiné avec attention toutes les pièces de la procédure, ne lui ont laissé aucun doute sur cet objet. Catherine M a été déclarée du sexe masculin.
---------Au moyen de quoi, notre jeune homme pourra désormais jeter aux orties jupons, corset et bonnet et porter culottes, vestes et le reste, et voter comme un brave électeur, pour nommer des maires, adjoints, voire même des députés. Catherine ou Catherin s’est empressé, au sortir de l’audience, de revêtir les insignes de sa nouvelle position ; et il est probable que, s’il doit jouir du bonheur de perpétuer son nom, il obligera la sage-femme à prendre de meilleures lunettes que celles de la matrone qui a présidé à sa naissance ».

---------Curieuse époque que celle-là, où, les femmes n’ayant pas encore le droit de vote, une mauvaise vue de l’une pouvait faire perdre la voix à l’autre !

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