1945- La seconde guerre mondiale vient de se terminer. La paix, attendue depuis si longtemps, est enfin arrivée. Chacun veut tourner la page au plus vite pour réaliser tous ses rêves enfouis depuis si longtemps et l’intensité des désirs est proportionnelle aux souffrances endurées. Pour la jeunesse, faire enfin la fête en toute liberté est devenu une priorité. Pour rattraper le temps perdu, les pistes et les occasions ne manquent pas. A Somme-Yèvre, un groupe de jeunes gens se lance dans la musique par plaisir. Il faut dire que les bases sont déjà établies depuis plusieurs années, bien avant le déclenchement de la guerre. En effet, au milieu des années 1930, l’instituteur de Somme-Yèvre, Gabriel Hyonne, enseigne le solfège bénévolement aux élèves qui le souhaitent, le soir, en dehors de la scolarité. Dès le début, 16 jeunes s’initient aux bases de la musique. Un mot sur les instituteurs, de campagne en particulier, ils se sont souvent investis dans la vie de leur village. La plupart du temps secrétaires de mairie, ils sont aussi les animateurs des fêtes du 14 juillet, de Noël, de Mardi-gras, etc A Auve, par exemple, madame Réaux a organisé des soirées café-concert de toute beauté avant 1914. Plus récemment, beaucoup de villages doivent le démarrage du foot à leur instituteur.
Revenons aux cours de solfège au milieu des années 1930. Après l’euphorie du début, un groupe plus restreint s’est accroché et cela a porté ses fruits. Déjà en 1941-1942, un belge réfugié à Dommartin-sur-Yèvre et Maurice Lecoq jouent chacun d’un instrument ensemble. 1945, la guerre est terminée. Etienne Picart rentre après 2 années de S.T.O. en Allemagne. Avec son frère Adrien, Michel Raulin, Marceau Lesoeur puis Maurice Lecoq, ils jouent pour leur plaisir, ayant reçu les bases 10 ans auparavant. Chacun se spécialise et possède ses propres instruments de musique. Jouant par plaisir, ils vont vite se faire connaître sans le vouloir, et ce qui devait arriver arriva. Au début de l’année 1946, ils sont invités à se produire à Nettancourt, dans la Meuse, mais ce ne fut pas une grande réussite. Par contre, ils sont sollicités pour animer un mariage (en 19846 ou 1947) à la grande satisfaction de tous. C’est parti, ce premier groupe va être demandé pour animer fêtes de village, mariages, anniversaires, arrosages de vie de garçons, etc dans un rayon de plus de 20 km. L’orchestre de Somme-Yèvre est né.
Quelques anecdotes cocasses du début : une fois, les jeunes de Noirlieu sont venus la nuit réveiller les 4 compères à tour de rôle pour animer une fête improvisée. Ces derniers, n’écoutant que leur passion, oubliant leur fatigue et passant en un rien de temps d’un rêve bien doux à une réalité beaucoup plus dure, y sont allés ausitôt. Il leur est même arrivé de jouer 4 soirées de suite : un vendredi et un samedi pour une noce et les dimanche et lundi suivants pour la fête à Somme-Yèvre, car, à cette époque, les fêtes de village se font le dimanche et le lundi. En tout 7 musiciens se sont succédés au fil des départs et arrivées. Seul Michel Raulin a fait partie de l’orchestre depuis sa création en 1946 jusqu’à sa fin en 1958. De 1946 à 1950 : Etienne Picart est à la trompette d’harmonie. Marceau Lesoeur au tout début puis Maurice Lecoq ensuite jouent de l’accordéon. Adrien Picart à la batterie et Michel Raulin joue du banjo, du saxo et du violon.
De 1950 à 1954 : Etienne se marie en 1950 et quitte le groupe avec Adrien. Martial Toublant remplace Adrien à la batterie et avec Maurice Lecoq et Michel Raulin, le groupe se compose de 3 musiciens au lieu de 4 avant.
[([|1953- Lors d’un mariage dans la cour de l’école de Dommartin-sur-Yèvre.
Les initiales en grand sur le décor indiquent le nom du marié et de la mariée.
Michel Raulin, Maurice Lecoq Martial Toublant|] SaxoAccordéonBatterie
[|L’orchestre de ce nouveau groupe s’appelle DO MI SOL
Au centre on peut voir, insérés dans un cœur, le lettre M (initiale du prénom des 3 musiciens) et le sigle RLT, initiales de leur noms de famille .
Une autre disposition des musiciens aurait pu donner RTL|])] De 1954 à 1958 : Maurice se marie en 1954 et arrête à son tour. Il est remplacé par Jean Louvet du Châtelier à l’accordéon. Les deux autres sont toujours présents.
++++ Remarquez : sur les photos, le nom des danses est affiché : tango, rumba. Il y a aussi valse, paso-doble, java, polka et même finale pour indiquer la dernière de la soirée.
Non seulement ils jouent, mais ils animent tout en chantant des airs de leur répertoire : "Ah le petit vin blanc", "Etoile des neiges", "La tactique du gendarme", "A la claire fontaine" etc Pour cela, la bonne volonté est leur principal atout. Bref, c’est tout un spectacle, des choses toutes simples, mais en fin de compte ce n’est que du bonheur. Tous ceux qui ont vécu cette période ne démentiront sûrement pas.
Pendant ces 12 années, que de souvenirs ! ! En particulier chez le cafetier de Coupéville paraît-il. Combien de relations amoureuses se sont nouées pendant et à la suite de leurs prestations
Les musiciens sont également sollicités pour faire le tour des rues en chariot tout en jouant lors des fêtes de villages. Ils annoncent les soirées à venir et bien sûr, les jeunes responsables de l’organisation et de la réussite de la fête, en profitent pour alimenter la caisse et pallier aux frais occasionnés. Ils sont toujours accueillis à bras ouverts et même plus lors de ces journées. Aux mariages et aux fêtes de village, des cuisinières sont réquisitionnées pour faire les repas. Bien sûr, ils sont invités et particulièrement gâtés à chaque fois. Il est resté dans leur mémoire un dessert appelé "nègre en chemise". C’est un gâteau en chocolat démoulé et se retrouvant, suite à l’ultime intervention, au beau milieu d’une crème pâtissière blanchâtre d’où le nom de baptême de ce dessert. Bon appétit au son de la musique. C’est pas beau la vie ! ! !
- Pour les photos et les informations de cet article, un grand merci à Monique Lecoq, Etienne Picart, Michel Raulin et Martial Toublant.